Retard dans le déploiement de la fibre : Orange perd sur le terrain juridique

Orange perd son double bras de fer juridique contre l’Arcep. L’opérateur n’a réussi ni à contester le pouvoir de sanction del’autorité de régulation des télécoms ni à stopper la mise en demeure à son encontre portant sur des retards dans le déploiement de la fibre optique.

Dans son rendu du 21 avril, le Conseil d’Etat décide de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel et rejette le recours d’Orange contre la décision de l’Arcep de contraindre l’opérateur de respecter ses engagements de déploiement.

Près de 3 000 villes moyennes concernées

Pour comprendre le fonds du dossier, il faut remonter à 2018. Cette année-là, Orange s’engage à couvrir en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) près de 3 000 communes des zones moins denses d’initiative privée du territoire, dites zones AMII, pour Appel à manifestation d’intention d’investissement.

Dans ces villes de taille moyenne, parmi lesquelles on compte Bourg-en-Bresse, Castres, Orgeval, Vichy ou Gap (liste sous fichier Excel), Orange doit rendre 100 % des locaux « raccordables » ou « raccordables à la demande » à la fibre d’ici à la fin 2020. SFR prend un engagement comparable pour un nombre de communes plus restreint.

Même en tenant compte des cas de refus de raccordement de certains propriétaires ou copropriétés, Orange n’aurait pas selon l’Arcep respecté ce calendrier. Près d’un an après l’échéance, à peine plus 80 % des locaux concernés auraient été fibrés selon Les Echos. En mars 2022, le régulateur met donc en demeure Orange le sommant de compléter la couverture dans villes concernés d’ici la fin 2022.

L’opérateur dément, lui, tout retard et estime qu’il a atteint les objectifs de couverture en tenant compte de la base de données des logements établie par l’Insee. Les mois suivants, il contre-attaque sur le terrain judiciaire contestant à la fois cette mise en demeure et l’« excès de pouvoir » d’Arcep en déposant une question prioritaire de constitutionnalité.

Pas d’abus de pouvoir de la part de l’Arcep

Le Conseil d’Etat estime que « l’attribution par la loi à une autorité administrative indépendante du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d’en assurer elle-même le respect, par l’exercice d’un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

Pour cela, il faut que « ce pouvoir de sanction [soit] aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et les principes d’indépendance et d’impartialité. ». À cet égard, la plus haute juridiction administrative en France note que la loi organise « une séparation fonctionnelle des fonctions de poursuite et de sanction » au sein de l’Arcep. Sur son site, le gendarme des télécoms décrit, schéma à l’appui, comment est constitué son collège.

Engagements librement souscrits par Orange

Le Conseil d’Etat rappelle, enfin, que les engagements pris par Orange et SFR étaient « librement souscrits par les opérateurs, qui se placent volontairement dans une situation différente de ceux qui ne se sont pas engagés, les griefs tirés d’une atteinte à la liberté d’entreprendre et au principe d’égalité ne peuvent qu’être écartés ».

Le Conseil d’Etat validant la décision de mise en demeure de l’Arcep, celle-ci se poursuit avec le risque de sanction sous-jacent. Une épée de Damoclès sur la tête d’Orange.