En octobre 2021, GreenSI relatait le sursaut de souveraineté des DSI réunis à l’assemblée générale du Cigref. Ce sursaut était attendu pour construire une Europe numérique plus puissante, et quitter le monde des colonies digitales et cartels numériques qui s’installaient, un par un.

Dix huit mois plus tard, les scénarios étudiés par le Cigref sont toujours aussi pertinents.
Au contraire, les développements de la guerre en Ukraine on renforcé le poids de la géopolotique et de la bipolarité.

Comment est-ce que la France se structurent pour y répondre ?
Même s’il est encore un peu tôt pour crier victoire, le sujet de la souveraineté n’a jamais été aussi haut sur l’agenda et aussi concrêt dans les décisions du service public.

La semaine dernière ce fut la décision d’interdire l’application Tik-Tok sur les téléphones professionnels des fonctionnaires, ou cette semaine la décision plus énigmatique d’interdire ChatGPT à la ville de Montpellier, et à tous les fournisseurs de la ville liés par contrats. Autre signe des temps, la question « Quel est le niveau de souveraineté de votre hébergement dans le Cloud ? » n’est plus tabou dans les appels offres du secteur public.

Ce n’est peut-être pas le sursaut avec la force attendue, mais ça bouge !
GreenSI reviendra prochainement sur les avancées en matière de souveraineté des SI, mais avec ce billet allons plus loin sur la mise en perspective du système d’information comme nouveau territoire numérique. La défense et le contrôle de ce territoire est certainement un enjeu pour le Royaume, mais aussi pour ses Princes que sont les Directeurs des SI qui les gouvernent.

Et quand on parle de Prince, GreenSI ne résiste pas à s’inspirer de l’ouvrage de Nicolas Machiavel cet homme politique florentin qui donne les principes pour devenir Prince et le rester, en analysant l’histoire.

Dans un monde numérique, le Prince peut aussi appliquer des principes pour mieux gérer un système d’information et les données qui y circulent. En meneur avisé, capable de tirer parti de chaque situation et assurant une gouvernance numérique efficace pour la prospérité du Royaume.

Le premier principe serait que le Prince doit s’efforcer de connaître en profondeur les mécanismes de son système d’information. Cela signifie qu’il doit investir du temps et des ressources pour comprendre les technologies et les pratiques qui le soutiennent, ainsi que les menaces potentielles qui pourraient les compromettre. En comprenant les rouages du système, il peut mieux anticiper les problèmes et agir de manière proactive pour les résoudre.

Le Prince doit aussi toujours veiller à protéger les données de son royaume, car elles sont la clé de son pouvoir et de sa prospérité. Il doit mettre en place des mesures de sécurité robustes pour protéger les informations sensibles contre les attaques extérieures et les fuites internes. De plus, il doit régulièrement évaluer et mettre à jour ces mesures pour s’assurer qu’elles restent efficaces dans un monde qui bouge.

Pour assurer la confiance de ses sujets et une bonne gouvernance partagée, avec les commerçants et autres parties prenantes du Royaume, le Prince doit favoriser la transparence et l’accessibilité des informations. Cela signifie qu’il doit veiller à ce que les données soient stockées et organisées de manière à pouvoir être facilement consultées, traitées et analysées.  Aussi, le Prince doit être attentif aux innovations technologiques qui peuvent améliorer cette bonne gouvernance, tout en étant prêt à adopter de nouvelles méthodes et technologies pour rester compétitif. 

Le Prince doit également reconnaître la valeur de la collaboration et des alliances dans le domaine du numérique.
Il doit chercher à établir des partenariats avec d’autres acteurs et experts, pour partager des connaissances, des ressources et des compétences. De telles alliances peuvent renforcer la position du Prince dans le paysage numérique et lui permettre de mieux anticiper et gérer les défis futurs. Mais de ces alliances peut naître un risque de vassalité, quand l’une des parties est plus puissante que lui, même quand on l’appelle fournisseur.

Il peut alors être envisagé de grandir et de fusionner son système d’information avec celui d’un autre royaume. Pour cela il doit agir avec prudence et stratégie pour assurer la réussite de cette entreprise délicate. Le Prince doit d’abord évaluer les compatibilités et les différences entre les deux systèmes d’information. Il doit examiner attentivement les technologies, les architectures et les protocoles utilisés dans les deux royaumes afin de déterminer les synergies potentielles et les défis à relever pour réussir la fusion.

Cette fusion implique souvent des négociations complexes et des compromis entre les parties prenantes. Le Prince doit maîtriser l’art de la diplomatie et être prêt à faire preuve de souplesse et d’ouverture d’esprit pour parvenir à un accord mutuellement avantageux. Il doit être capable de modifier ses plans et ses stratégies en fonction des besoins changeants et des nouvelles informations, et ainsi réaliser une fusion réussie qui renforcera sa position et sa puissance dans le paysage numérique.

Imposer seul sa gouvernance fragiliserait son territoire, et ses sujets seraient alors tentés de développer leur propres solutions « shadow IT » ou d’importer des solutions SaaS, dont il ne maitriserait plus les données et leur gouvernance.

Ces applications non autorisées peuvent affaiblir les défenses du territoire du Prince en ne respectant pas les normes de sécurité établies dans la forteresse numérique et la rendre vulnérables aux attaques ennemies. Des brèches peuvent être ouvertes dans les murailles établies pour se conformer aux lois et régulations en vigueur, exposant ainsi le territoire du Prince à des sanctions, des amendes et des dommages à son autorité. Enfin, le Prince peut perdre le contrôle d’une partie de son territoire numérique, rendant difficile l’établissement d’une gouvernance et d’une responsabilité claires.

Pour contrer ces menaces, le Prince doit établir des règles et des procédures claires pour régir le développement, le déploiement et l’utilisation des applications dans son territoire numérique. Il doit également encourager une culture de collaboration et de communication entre la DSI et les utilisateurs, s’assurant ainsi que les besoins et les inquiétudes de toutes les parties prenantes sont pris en compte dans la gestion de son royaume numérique. En agissant avec prudence et discernement, le Prince pourra préserver la sécurité et la prospérité de son territoire face aux risques posés par les applications non autorisées.

Il doit également encourager la diffusion d’informations précises et fiables afin de minimiser les rumeurs et les fausses nouvelles qui pourraient nuire à sa réputation et à celle de son gouvernement. Car une autre menace pèse sur son organisation et sur l’agilité de ses machines de guerre : au yeux de ses sujets qui sont confrontés aux troubadours vantant en chansonettes les louanges de structures légères, appelées startups, le regard sur les troupes du Princes peut être sévère.

Ces startups, telles de petites troupes agiles, ne sont pas encombrées par les lourdeurs bureaucratiques ou les hiérarchies rigides qui entravent souvent les développements internes au sein de grandes organisations. Cette structure allégée leur permet de prendre des décisions rapidement et d’adapter leurs stratégies en fonction des conditions changeantes du marché.

Animées par un esprit entrepreneurial et conquérant qui les pousse à innover et à explorer sans crainte de nouvelles idées. Cette audace peut leur permettre d’agir plus rapidement que les développements internes, qui peuvent être freinés par la peur de l’échec ou par la prudence excessive.

Mieux, l’attrait d’un territoire inexploré pour imposer leur empreinte est une motivation supplémentaire de ces troupes entrepreneuriales. Enfin, la focalisation sur un objectif précis leur permet de concentrer leurs ressources et leur énergie sur la réalisation de cet objectif, même s’il peut être vu au départ comme limité, il permet ensuite d’évoluer rapidement et de s’enrichir.

A l’inverse, les développements internes peuvent être dilués par une multitude de priorités et de contraintes, ce qui rend difficile la concentration sur un seul projet ou un seul objectif, et la motiviation limitée par de multiples sous-traitances et une déresponsabilisation due à l’éparpillement des responsabilités.

Pour tirer parti de la rapidité et de l’agilité de ces nouvelles formes d’organisation, le Prince doit être ouvert à l’idée de collaborer avec ces jeunes entreprises et de les intégrer dans ses stratégies de développement. En les encourageant et en soutenant leur croissance, il pourra bénéficier de leur énergie et de leur innovation pour renforcer son territoire et assurer sa prospérité.

Mais cela ne saurait suffire sans un travail de fond sur son organisation pour réduire les lourdeurs bureaucratiques et les hiérarchies rigides, qui peuvent entraver la flexibilité, tout en freinant la prise de décision et la mise en œuvre des projets. Et puis pourquoi ne pas encourager l’esprit entrepreneurial et cultiver une culture de l’innovation et de l’audace, incitant ses troupes à explorer de nouvelles idées et à relever des défis sans craindre de l’échec ?

Enfin, le Prince peut aussi former des équipes plus petites et plus autonomes, capables de travailler de manière indépendante et de prendre des décisions rapidement, tout en étant appuyée par ses troupes plus massives et ses fortifications imprenables. Cela demande d’encourager la collaboration et la communication qui stimulent l’innovation et l’amélioration continue.

Telle est la dure mission du Prince, pour garantir la prospérité et la pérennité du Royaume dans ce paysage numérique, finalement si menacant et en évolution permanente. Mais il ne pourra le faire seul, et devra compter demain sur la souveraineté d’un État.